À l’approche du bicentenaire de la naissance de Pierre II Petrovic Njegos (1813-1851), que connaît le public français de ce prince-évêque et poète monténégrin et de son chef-d’œuvre, La Couronne de montagne (Gorski vijenac, 1847) ? Peu de choses ! Des critiques étrangers n’ont pourtant pas hésité à ranger Njegos dans « la glorieuse pléiade des grands poètes de la première moitié du xixe siècle » et à rapprocher son œuvre de celle de Byron, Shelley, Hugo, Pouchkine et Lermontov.
Au tournant des xviie et xviiie siècles, Danilo, prince-évêque du Monténégro, se voit sommé par son incommode voisin, le vizir de Skadar, de se soumettre à l’autorité de l’empire ottoman. L’attitude menaçante du vizir, au lieu de l’intimider, finit au contraire par le décider à porter un coup fatal à l’ennemi de l’intérieur, les Monténégrins turquisés, devenus « esclaves de l’étranger ». Trois thèmes essentiels se trouvent au cœur de cette pièce de « théâtre à lire », née dans l’effervescence révolutionnaire qui prépare le Printemps des peuples de 1848 : l’appel au combat contre la tyrannie de l’envahisseur, quel qu’il soit ; l’affirmation de l’identité d’un petit pays chrétien face à la civilisation ottomane ; l’angoisse d’un prince qui répugne à déclancher un combat fratricide entre ses compatriotes.
Antoine Sidoti et Christian Cheminade résument ainsi les raisons qui les ont poussés à proposer la présente édition : les spécialistes s’accordent pour considérer La Couronne de montagne comme un des chefs-d’œuvre de la littérature slave ; au-delà de l’anecdote relatée, ce poème met en exergue des valeurs universelles ; il fallait vaincre la paralysie saisissant généralement ceux qui désirent faire connaître cet ouvrage, mais estiment que le texte de Njegos est « finalement intraduisible » ; le public français devait pouvoir se faire sa propre idée du contenu d’une œuvre qui fut utilisée à des fins politiques partisanes, notamment au cours des deux dernières décennies du xxe siècle ; enfin, par une introduction et un appareil critique aussi substantiels que possible, ils proposent au lecteur des éléments indispensables à l’approche de l’œuvre, ce dont il n’a pu disposer jusqu’à présent.
Antoine Sidoti est docteur ès Langues et Littératures étrangères. Il est l’auteur de Genèse et dossier d’une polémique : la Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, Blaise Cendrars-Sonia Delaunay (novembre-décembre 1912-juin 1914), Paris, Lettres modernes, 1987, de Le Monténégro et l’Italie durant la Seconde Guerre mondiale. Histoire, mythes et réalités, Paris, CNRS Éditions, 2003, de Partisans et Tchetniks durant la Seconde Guerre mondiale. Idéologie et Mythogenèse, Paris, CNRS Éditions, 2004, et de L’Utilisation du poète Njegos du fascisme au titisme. Timbres-poste et propagande en Yougoslavie, Paris, Édilivre, coll. « Universitaire », 2008.
Christan Cheminade est agrégé de Lettres et docteur de l’Université de Bordeaux III. Il est l’auteur d’articles dans le domaine de l’histoire des idées.
256 pages + 1 cahier illustrations couleur, septembre 2010.